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Page:Bricqueville - Christophe Gluck et Richard Wagner, 1881.djvu/9

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DEUX POLÉMIQUES


CHRISTOPHE GLUCK ET RICHARD WAGNER

Quelqu’un demandait un jour à Turgot ce qu’il pensait de la querelle des gluckistes et des piccinistes, alors dans sa période la plus bruyante, — on allait jouer Armide ; — et le bon ministre, plus préoccupé sans doute de la guerre des farines que des disputes de l’Opéra, répondit « que si l’on était en droit d’aimer la musique de Gluck, il lui semblait, par contre, difficile de pouvoir supporter les gluckistes ».

A la vérité, les excès de certains batailleurs du Coin du roi n’étaient guère de nature à gagner la sympathie du public à l’œuvre du musicien allemand, et l’on peut affirmer que rarement cause meilleure fut servie par d’aussi maladroits défenseurs. Il ne se passait pas de jour que le Journal de Paris ne publiât les appréciations les plus ridicules, les critiques ou les éloges les plus outrés, souvent même des insultes grossières à l’adresse de quiconque faisait mine de refuser l’encens au nouveau dieu de la musique.

Chaque production nouvelle de l’auteur à Orphée ou du chantre d’Orlando servait de prétexte à une multitude d’écrits de tout genre et de tout format, qui, dès le lendemain, faisaient à grand fracas leur apparition aux devantures des libraires, que des émissaires zélés colportaient un peu partout : dans les salons et les boutiques, sur les quais et les boulevards, à la cour et au cabaret à la mode, jusque dans la ruelle où la beauté en vogue tenait ses audiences galantes.

C’est, pendant cinq années, un débordement d’épigrammes, de pamphlets, de comédies, de lettres, de réponses, de dialogues, de mémoires, de vaudevilles, de quatrains, de satires, de chansons. Quand les raisons bonnes ou mauvaises viennent à manquer, on a recours au langage des halles : « Vous n’êtes que le savetier de Quinault », crie l’abbé Arnaud à Marmontel ; « Et vous, le galopin de