Page:Brifaut - Œuvres, t. 6, éd. Rives et Bignan, 1858.djvu/12

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Que la peine soit grande autant qu’elle peut l’être :
Tout, excepté la mort ! Incertains dans nos coups,
Devant l’irréparable au moins arrêtons-nous.
Ah ! lorsque par nos lois la vertu condamnée
Est sous le nom de crime à l’échafaud traînée ;
Lorsqu’à cet échafaud, où siège le trépas,
Non loin de Ravaillac je vois monter Calas ;
Épouvanté, cédant à mon horreur profonde,
Pressé par la pitié, je cours, je crie au monde :
Comptable envers le ciel des jours de l’innocent,
Frémis ! Dieu pèsera chaque goutte du sang
Versé dans les conseils de la justice humaine.
Je lui crie, à ce monde aveuglé par la haine,
Trompé par l’artifice, armé par la fureur,
D’abdiquer un pouvoir où s’attache l’erreur,
De laisser dans les mains du seul juge infaillible
La sévère balance et le glaive inflexible.
Je dis à tout mortel, humble ou grand, faible ou fort :
Epargne ton semblable et sauve-lui la mort.
Songe, songe au regret dont l'erreur est suivie.
Eh ! si tu t’es trompé, lui rendras-tu la vie ?
Tu peux tout pour détruire, et rien pour réparer.
Du titre de chrétien tu sembles t’honorer :
Sois-le donc par les faits, non par le seul langage.
De l'Eternel, dis-tu, l’homme est l’auguste ouvrage;
Il réfléchit ses traits ; il retrace à nos yeux
Le souverain du monde et l'héritier des cieux.
De la création c’est le plus grand miracle :
De la terre après Dieu c’est le plus beau spectacle.
Doté d'intelligence et d’immortalité,
De pensée en pensée il monte avec fierté
Jusque vers son auteur, que voile un vain nuage,
Ô crime! et du Très-Haut tu briserais l’image!
Arrête, et n’étends point ton bras ensanglanté
Sur le représentant de la Divinité.
Que dis-je? Oublierais-tu les douleurs du Calvaire,