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le mystère du b 14

xiv

rosic comprend enfin



On comprend quelle fut l’émotion de Rosic quand, à la gare de Lyon, au moment où il allait monter dans le rapide qui le ramènerait chez lui, il se trouva nez à nez avec ce voyageur qui s’était fait passer à ses yeux pour le détective T. D. Shap.

Il voulut crier, appeler au secours, faire arrêter cet imposteur.

Mais un coup de sifflet retentit ; des employés se précipitèrent, criant :

— En voiture, s’il vous plaît…

Déjà les portières se fermaient, le train commençait à s’ébranler.

— Allons, Monsieur Rosic, dépêchez-vous, le rapide va partir sans vous…

Et Rosic se sentit hisser sur le marchepied, poussé dans le compartiment, et il se trouva assis sur une banquette, tandis qu’avec des ronflements sur les plaques tournantes, le train quittait bruyamment le grand hall vitré de la gare de Lyon.

En face de lui, le faux T. D. Shap qui souriait.

Rosic était rouge de colère. Il ne savait ce qui le retenait de sauter au cou de ce voleur de valise, de l’étrangler.

Tous deux étaient seuls dans ce compartiment de première. Il était si furieux qu’il ne trouvait pas la force de parler. Et l’autre, qui souriait, en le regardant. Enfin :

— Monsieur, bredouilla Rosic, vous vous êtes moqué de moi…

Mais l’autre secoua la tête :

— Comment, Monsieur Rosic, pouvez-vous dire de pareilles choses… Moi qui vous ai expliqué le mystère du B-14, qui, sans moi, serait encore pour vous lettre morte…

— Vous m’avez volé ma valise…

— Une erreur… une simple erreur… que je suis le premier à regretter… D’ailleurs, je vous la rends. La voilà, votre valise, et vous pouvez vérifier, aucun document n’y manque.

— Vous vous êtes fait passer à mes yeux pour l’honorable T. D. Shap…

— Là, peut-être, ai-je été un peu loin… Mais il fallait bien, sans cela vous n’auriez ajouté aucune créance à mes dires, et vous auriez pris cette histoire du B-14 pour un vulgaire roman feuilleton.

— Enfin, qui êtes-vous ?

— Qui je suis ? Comment, Monsieur Rosic, vous ne l’avez point deviné ? Qui puis-je être, sinon sir William Ralph Burnt…

— Parbleu…, je m’en doutais…

— Surnommé aux Indes Cristal-Dagger. À ce propos, j’espère que vous voudrez bien demander à votre ami, M. Chaulvet, de me rendre mon poignard de cristal… à quoi je tiens…

— Vous irez le lui demander vous-même…

— Monsieur Rosic, fit W. R. Burnt, vraiment, vous me désolez… On dirait que vous me gardez rancune… Moi qui vous ai couvert de gloire dans le Paris-Matin

Rosic regardait toujours son voisin de wagon avec des yeux féroces… Mais, tout de même, au fond de lui, il sentait que sa colère fondait dans son cœur. En somme, ce Burnt n’était pas un criminel. Il ne pouvait articuler contre lui aucun grief. Qu’il se fût payé sa tête, cela était possible, en somme. Mais il s’agissait de savoir dans quel but. Au lieu de se fâcher, ne valait-il pas mieux apprendre de ce Burnt tout ce qu’il ignorait encore de l’angoissant mystère.

Et il dit :

— Oui, au fait… ce ne pouvait être que vous qui aviez rédigé cette longue relation du crime du B-14. Pourquoi, vous qui semblez avoir tant d’intérêt à ne point mêler la police à vos affaires, avez-vous publié cet article ?

Burnt éclata de rire.

— Oui, fit-il, vous vous perdez dans tout cela… Je le comprends… Pourquoi ne me suis-je pas fait connaître à ce garde-ligne, plus tard à ce banquier de Viviers… Pourquoi ai-je pris votre valise en vous laissant la mienne… Pourquoi ai-je écrit cet article… Pourquoi… Monsieur Rosic, je veux tout vous dire… D’autant plus que nous avons le temps d’ici à Lyon… et puis… et puis… là-bas, peut-être pourrai-je encore avoir besoin de vous…

Et comme Rosic ouvrait de grands yeux :

— Oui… car s’il est vrai que nous touchons au dénouement de cette aventure, tout de même je ne suis au bout de mes peines. Mais vous allez comprendre, Monsieur Rosic, vous allez tout comprendre, et vous allez voir comme c’est simple… ah !… si simple…

Il se recueillit un instant, puis commença :

— Connaissez-vous lord Hyton ?…

Rosic secoua la tête négativement.

— Bon !… fit Burnt. C’était le lord le plus riche des trois royaumes… Il ne possédait certainement pas moins de cent millions de fortune… et des châteaux, et des terres, et

tout un quartier de Londres… bref un gentle-