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Page:Brisebarre Nus - La Legende de lhomme sans tete 1857.pdf/12

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KRABB. Dis donc, et la fille d’atours ?

OSWALD. Je te la donne !

KRABB, à lui-même. Mon Dieu ! j’accepte.

WOLF, qui s’est posté sur un rocher. Alerte ! (tous prêtent l’oreille.)

SIGEFRIED. Le grelot des chevaux !

MULLER. Le fouet du postillon !

OSWALD. Ce sont eux…

KRABB. Venez… venez vite… près de ce petit Krabb.

OSWALD. Attention… tous…

(Le bruit des grelots se rapproche, On entend le fouet du postillon.)

KRABB. Mais poussez donc vos rosses, cocher… mon bon ami.

MULLER, à Krabb. Langue du diable !

OSWALD. Plus un mot.

(Moment de silence, puis on entend la voiture se briser, et des cris de terreur poussés par Olivia et Baptista.)

KRABB. Touché.

SIGEFRIED. La chaise est brisée…

WOLF. s’élançant. À nous autres…

OSWALD. Ne bougez pas.

(Moment de silence).

MULLER. Le postillon cherche à relever ses chevaux… il s’éloigne.

SIGEFRIED. L’homme est sur pieds.

WOLF. Il dégage les deux femmes…

MULLER. Et se dirige par ici.

OSWALD. Bien… tous derrière ces rochers… et, à mon signal, emparez-vous… de cet homme qui vient…

(Ils se glissent tous et disparaissent derrière les rochers et les arbres).

Scène V.

Les Mêmes cachés, WALTER, OLIVIA, BAPTISTA.

WALTER, soutenant Olivia. Appuyez-vous sur moi… Olivia… et, ne craignez plus… dans peu tout sera réparé… le postillon est allé chercher des secours, et… mon Dieu, pourquoi trembler ainsi… qui vous effraie… et ne suis-je pas là… en vérité… pour un malheureux petit accident… de grande route.

OLIVIA. Un accident, il est étrange !

WALTER, souriant. Voilà bien l’imagination des femmes… et la vôtre, surtout, Olivia… si féconde… si capricieuse… ce quartier de roche se sera détaché de la montagne… Cette route est peu fréquentée, et grâce à la négligence du bourgmestre de ces campagnes, nous avons versé… c’est tout le secret !

OLIVIA. Walter, Walter, j’ai peur !

WALTER, riant. Calmez-vous… ma belle trembleuse !

BAPTISTA. Si… seulement… il faisait jour !

WALTER, riant. Oh, la prosaïque fille !… qui demande au soleil de biffer d’un de ses rayons… (Regardant autour de lui), toute cette sauvage poésie !

OLIVIA, malgré elle. J’ai peur, Walter… j’ai peur…

WALTER, toujours riant. Et, de quoi donc ?… peut-être du génie malfaisant de la montagne… qu’il vienne s’attaquer à Walter de Mansdorf !… parais, maudit… je t’attends !

OSWALD, s’avançant, la figure couverte d’un voile noir. Me voici !

OLIVIA, poussant un cri. Ah !

BAPTISTA, terrifiée. Seigneur Dieu !

WALTER. Oh ! oh !… que veut dire ceci ? Homme, spectre ou démon… si tu as une peau… je veux savoir… si elle repousse les balles… si tu as une poitrine… je vais te la trouer… (Il saisit un pistolet et ajuste Oswald).

KRABB, qui dans l’ombre s’est glissé derrière Walter le désarmant, et le saisissant, aidé de Muller, Wolf et Sigefried. Holà ! holà !… ne badinons donc point avec des armes à feu… on peut se blesser !

WALTER, se débattant. Ah !… les misérables…

KRABB. Pas de gros mots, monsieur, voyons donc… un peu de courtoisie.

OSWALD. Qu’on l’attache à cet arbre !

(Muller aidé des autres attache Walter malgré sa résistance à un vieil arbre brisé).

WALTER. À l’aide, à moi !

BAPTISTA, se jetant aux pieds d’Oswald. Par grâce, par pitié…

KRABB. Rassure-toi, bouton de rose… je te prends sous mon aile !… tu n’auras… je l’espère… qu’à te louer de mes procédés !

SIGEFRIED. Nous autres à la voiture…

(Wolf, Muller et plusieurs autres, en courant).

À la voiture…

OLIVIA, à Oswald en défaisant ses bracelets, colliers, etc., et les lui offrant. Mes bijoux… mes bracelets, mes bagues, prenez… prenez tout… mais, je vous en conjure…

OSWALD. Tes bijoux… garde-les… je t’en donnerai même d’autres, Moi… ce que je veux… c’est ton amour !

OLIVIA. Mon Dieu !…

OSWALD. Je t’aime… je t’aime…

OLIVIA, reculant effrayée. Ah !

OSWALD, la prenant dans ses bras. Et tu seras à moi…

(On entend des coups de feu au dehors).

KRABB. Ah !… v’là une vilaine musique !

MULLER, revenant en courant avec les autres. Alerte… alerte… les soldats du grand-duc !

TOUS. Des soldats…

WOLF. C’est ce postillon maudit qui les amène…

KRABB, lâchant Baptista qu’il entraînait aussi. Diable… À un autre jour, ma fille…

SIGEFRIED. Oswald… que faire ?

OSWALD. Sommes-nous en force ?

WOLF, MULLER, SIGEFRIED. Non… non…

OSWALD. Alors, sauve qui peut !…

(Il fuit en entraînant Olivia par la montée des rockers. — Les soldats du Grand-Duc paraissent et tirent sur les fuyards).

WALTER, leur montrant Oswald. Là… là… cet homme !

OSWALD, présentant Olivia aux fusils que les soldats dirigent sur lui. Frappez donc !…

(Les soldats abaissent leurs fusils, et de nouveau Oswald entraînant Olivia gravit les rochers).

WALTER, écumant de rage. Ah ! infâme…

OLIVIA, joignant ses mains vers la croix de pierre. Mon Dieu !… mon Dieu !

OSWALD, l’entraînant. Viens… viens…

(D’autres soldats paraissent sur la cime des rochers qui dominent Oswald.)

OSWALD, les apercevant. Mille diables !… entre deux feux !

WALTER. Sauvez-la…

(Oswald abandonne Olivia, tire un poignard et fuit… Des soldats se précipitent sur lui, et l’entourent. — Il les frappe, les renverse et s’élance).

WALTER, à Baptista qui l’a détaché de l’arbre. Merci, Baptista…

(Il se jette sur la rencontre d’Oswald qui allait s’échapper, et lui tire un coup de pistolet).

OSWALD, tombant. Ah !… je suis pris !…

WALTER, lui arrachant le voile noir qui couvre sa figure. Il faut que je te voie !

OLIVIA, le reconnaissant et terrifiée. Ah ! lui !…

WALTER. Cet homme… le même !

OLIVIA. L’étudiant de l’auberge !



ACTE II.



Troisième Tableau.

LA DERNIÈRE HEURE. — RÊVES D’AMOUR.
Un cachot. — Au fond, et couverte de ferrures une porte à deux battants. — Porte latérale à droite.

Scène Première.

OSWALD, ÉZÉCHIEL.
Sur de la paille éparse, Oswald est étendu, et dort.

OSWALD, rêvant et agité. Olivia… Olivia… c’est ton nom… Je le sais !

ÉZÉCHIEL, ouvre la porte latérale, s’approche d’Oswald et l’examine. Il dort… et solidement… comme un honnête homme… dormir avec une sentence de mort sur les épaules !… Cela me gênerait… mais… ces coquins-là… ont l’habitude !… (Lui frappant sur l’épaule.) holà ! ho… réveillons-nous !

OSWALD, se réveillant en sursaut et se mettant sur son séant. Hein (Le voyant.) Ah ! maître Ézéchiel, que le diable te confonde, guichetier de malheur… J’étais heureux… je rêvais !

ÉZÉCHIEL. Bast… vous avez le temps de dormir…

OSWALD. Mais non pas de rêver,…… quand on est mort, on ne rêve plus… Voyons,… pourquoi me réveilles-tu ?… Est-ce que… c’est pour aujourd’hui !

ÉZÉCHIEL. Vous êtes bien pressé !

OSWALD. Pas positivement !… Quand… parle ?…

ÉZÉCHIEL. Pour demain.

OSWALD. Alors, laisse-moi… si je n’ai plus que vingt-quatre heures de vie, je veux les user à ma façon… (Se rejetant sur la paille.) Bonsoir !

ÉZÉCHIEL, s’éloignant. À vos aises.

OSWALD, se relevant. Mais, que me voulais-tu,… au fait ?

ÉZÉCHIEL. Vous demander si vous teniez toujours si fort à entretenir ce vieux pélerin, qui se chauffe, chaque jour au soleil, devant la maison de justice.

OSWALD. C’est un homme de haute piété, dit-on ?

ÉZÉCHIEL. Je ne m’y connais pas… moi,… mais, il y paraît… je me suis laissé dire qu’il a fait pieds-nus le voyage de la Palestine aller et revenir !… Aussi tout le monde à Heidelberg s’arrache-t-il ses savantes consultations.

OSWALD, à part. Grattez le pélerin… qu’y a-t-il dessous !

ÉZÉCHIEL. Eh bien, êtes-vous décidé… Voulez-vous le voir ?

OSWALD. Puisque l’on m’a refusé la grâce de me recueillir avec lui !

ÉZÉCHIEL. La justice a changé d’avis… probablement, puisqu’il est là…

OSWALD. Eh ! que ne le disais-tu, en commençant, vieux trousseau de clés !

ÉZÉCHIEL. Vous avez la langue vive, camarade…

OSWALD. C’est possible, mais prends-moi tel quel puisque par malheur, je n’ai pas le temps de refaire mon éducation !

ÉZÉCHIEL. Au bout du compte, je comprends que dans votre position on ne soit pas de joviale humeur.

OSWALD. N’est-ce pas… on a le droit ; de voir sombre !…… Allons, fais entrer ce digne ermite…

ÉZÉCHIEL. J’y vais.

(Il se dirige vers la porte latérale, l’ouvre et disparaît.)

OSWALD. Quel est cet homme, et que puis-je attendre de lui… Il y a huit jours, après ma condamnation, quand on me ramenait dans mon cachot,… une main cherchant la mienne… y laissa ce billet… (Le dépliant et lisant.) Demande la pélerin de la Bibliothèque palatine… (Parlé.) Ils m’ont refusé… et, ils m’accordent… voyons toujours.


Scène II.

OSWALD, ÉZÉCHIEL, KRABB, vêtu en pélerin.

ÉZÉCHIEL, introduisant Krabb. Par ici bon pélerin…

KRABB, contrefaisant sa voix. Voici donc ce criminel… endurci.

ÉZÉCHIEL. J’ignore s’il est criminel… mais, ce que je sais, c’est qu’il est condamné, et ça me suffit…

KRABB. Vous avez raison, porte-clés. Ne vous jugez pas les uns les autres…

ÉZÉCHIEL. Si on ne se jugeait pas les uns les autres,… n’y aurait plus de guichetiers.

KRABB, à lui-même. Ce verrou voit de loin !

OSWALD. Mille grâces… saint ermite, d’avoir quitté vos dignes œuvres, pour un misérable pécheur… qui n’a plus que quelques heures pour réparer à l’éternité… Je ne vous espérais plus !… Je suis à vous… soyez donc à moi… car demain, on me tranche la tête…

KRABB. C’est un événement fâcheux… j’en suis peiné pour vous… mais peut-être ne l’avez-vous pas tout à fait vol… (Se reprenant) ontairement…