Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/111

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la bouche. Et, soudain, il se transforme. L’œil s’anime et pétille. La voix, tour à tour sourde et claironnante, se répand en drôleries. C’est un feu roulant de mots, d’historiettes, de traits aigus, soulignés de gestes épileptiques. Une gaîté énorme, démesurée, jaillit de ce discours. Et vous éprouvez, à l’entendre, la même joie que vous procura la lecture de Potiron, Lidoire et la Biscotte, la Peur des Coups et le Train de huit heures quarante-sept.

Georges Courteline, que Dieu voulut bien envoyer aux Français pour les consoler de leurs misères, naquit à Tours en 1860. Son père était Jules Moinaux, qui donna pendant cinquante ans à la Gazette des Tribunaux des comptes rendus judiciaires humoristiques et dépensa à cette besogne plus de verve qu’il n’en eût fallu pour assurer le succès de vingt comédies. On l’envoya faire ses humanités au collège de Meaux. Il les fit très mal. Il fut un mauvais élève et surtout un élève malheureux. Sa sensibilité comprimée se déchaînait en des mouvements de sourde révolte. Il haïssait la discipline scolaire, comme il devait haïr plus tard celle du régiment et celle des bureaux, et celle de la censure. Il prenait déjà une attitude d’insurgé. Il a laissé de ces années d’école un tableau désolé, dont le ton contraste avec celui de ses récits habituels. Il n’a pas le courage de rire, quand il repense à ces choses. Et d’abord, la description du décor : « La cour des moyens commençait à sortir de l’ombre. C’était un rectangle allongé,