Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiers, à ce beau jeune homme qui affronte la bataille de la vie, de jeter là son inutile armure azurée de chevalier, d’armer son bras de l’ignoble matraque ou du poignard assassin... N’aie pas de foi, jeune homme ! Si tu es de ceux qui se bercent encore aux légendes chrétiennes, tu seras méprisé par ton valet. Si tu cherches à l’univers une loi nouvelle, on se moquera encore de ton rêve, ou tu tomberas, confondu avec elle, dans la foule des fous habiles, des charlatans mystiques et industriels, des faiseurs de miracles qui ne croient à leurs miracles que lorsqu’ils y trouvent la satisfaction de leurs vanités ou de leurs appétits. Notre admirable époque de progrès enverrait Jésus en police correctionnelle, et Platon serait interdit par les juges de paix du cap Sunium ! Ne cherche pas à être utile à tes semblables. Sois bien portant, ô bon jeune homme ! égoïste, individualiste, spécialiste, hypocrite, convenable, farouche et jovial au besoin !... » Voilà bien des affaires. Ce tableau semble un peu chargé en couleurs, et l’on n’y reconnaît pas la mesure et la calme raison où s’enferment les vrais sages. L’écrivain ne se possédait pas en traçant ces lignes ; ou, du moins, il obéissait à quelque inquiétude personnelle qui lui enlevait momentanément le juste sentiment des choses. D’habitude, M. Fouquier est mieux pondéré, il l’est même excellemment. Il regarde passer, de très haut, les événements, et les juge avec un détachement et une clairvoyance admirables. Il ne craint