Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/24

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voyons d’autres romanciers populaires que les journaux couvrent d’or et que la critique ne tourmente point. A-t-elle eu jamais l’idée de s’acharner sur les feuilletons de l’excellent Richebourg ou de M. Xavier de Montépin ? Elle considère que ces ouvrages, uniquement affectés à l’amusement du public, sont à côté de son domaine, et qu’ils sont dénués de prétention, et qu’ils échappent, par cela même, à ses rigueurs. Richebourg et M. Xavier de Montépin comptent des lecteurs et des lectrices dans la meilleure société ; on dévore avec empressement, quelquefois avec passion, leurs récits : on n’y attache pas d’autre importance ; on sait qu’ils ne comptent pas au point de vue de l’art pur. M. Georges Ohnet se présentait avec un appareil moins modeste. La bourgeoisie française adopta le Maître de Forges et ne fut pas loin de considérer ce livre comme un chef-d’œuvre. Il répondait à ses besoins d’idéalisme et de sensibilité ; il s’élevait, comme une protestation contre le naturalisme triomphant. Beaucoup d’honnêtes gens exaltèrent le Maître de Forges pour rabaisser Nana et Pot-Bouille dont la grossièreté les révoltait. M. Georges Ohnet leur apparaissait comme le restaurateur du goût et le sauveur des bonnes mœurs. Il était donc assez naturel que la critique s’occupât de ses ouvrages ; le soin qu’elle mit à les examiner prouvait l’importance qu’elle y attachait. Or, elle crut découvrir que le mérite de ces œuvres n’était pas en parfait accord avec leur fortune. De