Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/97

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vous à cet enfant ? répliquent-ils d’un air courroucé. — Je suis une des pensionnaires du Grand-Théâtre, et je viens le remercier de son dernier article… » On juge de l’accueil que reçut notre potache quand il rentra, sa serviette sous le bras : « Une actrice ! Tu nous envoies des actrices ! Eh bien ! tu les prieras d’aller te rejoindre ailleurs. Je ne veux pas de cela à la maison ! » Le professeur de Scholl, M. Garçonnet, qui devait occuper plus tard une chaire à la Sorbonne, se montrait moins rude que son père : « Vous qui êtes influent, lui disait-il, tâchez donc de m’avoir, par-ci, par-là, une loge. » Il n’en fallait pas tant pour exalter l’imagination d’un futur homme de lettres, qui était déjà sensible à la flatterie… Sa préoccupation, le but où tendait son secret désir, c’était Paris, qu’on n’avait pas encore appelé la Ville-Lumière, mais qui était seul dispensateur de la grande renommée. Scholl aimait Bordeaux du fond de l’âme ; il avait même des raisons particulières d’y être attaché, car il y connaissait une certaine Léopoldine, grisette et blanchisseuse de son état, qui lui donnait beaucoup de satisfaction. L’amour et l’ambition ne vont pas souvent ensemble. Scholl ayant à choisir entre la gloire et Léopoldine, n’hésita pas : il sacrifia Léopoldine. Et il demanda à l’auteur de ses jours la permission d’aller chercher fortune dans la « capitale ». Celui-ci s’éleva avec véhémence contre ce dessein. « Si encore, tu devais gagner un jour douze mille francs par an, comme