Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques I-II, Lemerre.djvu/177

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Aux jeunes je fais place et je sors sans envie,
De loin je me complais au tableau de la vie :
Puissent-ils suivre mieux la voie où l’on dévie !

Je n’ai plus d’espérance, et j’ai quelques regrets,
En repassant mes jours trop souvent incomplets…
Mais les sentiers sont pleins d’achoppements secrets !
 
Dans tes prompts jugements, ô jeunesse farouche,
Rigoriste jeunesse ! — À ce terme où je touche,
Le grand mot d’indulgence est toujours à la bouche.
 
L’absolu n’est qu’au ciel. Dans notre monde obscur,
Tout en cherchant le beau, n’espérons rien de pur.
Anges, Dieu vous garda pour ses palais d’azur !

Indulgence et pitié pour toutes les misères,
Dévoùment entouré de bornes nécessaires ;
La science nous dit d’allier les contraires.

Le mal rôde, veillez ; oui, veillez bien sur vous.
Craignez les médisants, les envieux, les fous,
Halliers où nous perdons quelque chose de nous.

Mais que votre abord franc exhale un air de fête :
Pareil aux anciens dieux dont parle le poète,
Laissez chacun rempli d’une force secrète.

Équilibre partout, car la vie est un art.
À mon âge, on le sait, mais on le sait trop tard.
Laisserez-vous tomber ce dire d’un vieillard ?