Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques I-II, Lemerre.djvu/280

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Et deux yeux noirs brillaient dans un rose veuvage,
Ils se levaient de loin vers le noble vainqueur :
Le drap d’or s’inclina doucement au passage
Et le salut muet s’échangea dans leur cœur.
 
Le reconnaîtrez-vous, ô taillis, ô fontaines,
Croix de pierre où parfois il priait à genoux ;
Ouvrier déformé par ses courses lointaines,
Hommes de son pays, le reconnaîtrez-vous ? —
 
Il voit un laboureur qui mène sa charrue,
Un ami ; sur la route il murmure envieux :
« Son front n’a pas un pli, sa force s’est accrue ;
Qu’il va dans son bonheur calme et majestueux !

« Ainsi tous ils viendront à la messe, dimanche,
Dans l’église apportant une fraîcheur des bois ;
Leur habit sera blanc, leur âme sera blanche :
Pour chanter le Credo tous n’auront qu’une voix.

« Et, de tous entouré, le prêtre dans sa chaire
Proclamera les noms qui vont s’unir demain :
Ah ! s’il doit vous nommer, ô vous qui m’étiez chère,
Que j’expire à l’instant, ici, sur le chemin !…
 
« Mais, d’abord, sois ici maudite, ville infâme,
Toi qui me détournas de mes premiers penchants ;
Usine, qui flétris mon corps avec mon âme :
Vous par qui j’ai perdu le simple ameur des champs ! »