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II

Dans une lande immense, au seuil de sa chaumière
Bâtie en terre jaune et couverte en bruyère,
Mona disait un soir : « Hélas ! ma pauvre enfant,
Est-ce vous là, malade, et sur l’herbe étouffant ?
C’en est-il fait de vous, ma fille, ô mon amie,
Qui, la nuit, près de moi reposiez endormie ?
En tournant mes fuseaux, je vous gardais le jour,
Pour vous sauver des loups ; et vous, avec amour,
Léchiez mes vieilles mains, oui, ces mains maternelles
Qui d’un lait trop pesant soulageaient vos mamelles.
J’étais heureuse alors, mais que faire sans vous ?
Oh ! la Mort aujourd’hui veut frapper deux grands coups.
Voyez ce flanc gonflé : quel bruit ! quelle secousse !
Et sa langue qui pend ! O ma blanche ! ô ma rousse !
C’en est-il fait de vous ! Cher soutien de mes jours.
Le ciel n’enverra-t-il personne à mon secours ? »

Le vieux Robin parut. Un bdton de voyage
L’aidait à soutenir son corps ployé par l’âge ;
Tremblant, il reprenait haleine à chaque pas.
Et, la tête penchée, il se parlait tout bas.
Pour sa grande science et sa grande fortune
Il fut, et bien longtemps, cité dans la commune ;
Mais ses biens partagés entre de mauvais fils.
Par eux il fut chassé, l’homme aux cheveux blanchis ;
Seul, au bord de l’Izôl, à cette heure, il habite
Une loge en genêt par lui-même construite ;
Heureux encor pourtant : là, plutôt qu’un docteur,
Chacun vient visiter l’habile rebouteur.