Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques I-II, Lemerre.djvu/288

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Mais sa bonne maîtresse, une gaule à la main,
Tâchait de la hâter dans l’agreste chemin,
Et, tout en souriant à l’horizon qui brille,
Doucement répétait : « Allons, allons, ma fille ! »
 
Mona trouva gisant, sous son toit de genêt,
L’ami de soixante ans que la fièvre minait.
 
« C’est vous, murmura-t-il, ô chère et digne femme !
J’aurai donc là quelqu’un pour recevoir mon âme !
Tous ils m’ont délaissé, ces fils ingrats ; mais vous,
Cœur plein de souvenir, vous les remplacez tous.
Merci ! » Puis des soupirs, des tremblements, des plaintes.
« Ami, je viens chez vous comme chez moi vous vîntes.
Ô merveilleux savoir ! charmes secrets et forts !
Mais je veux, à mon tour, ranimer votre corps.
Saine et sauve, ma fille est là devant la porte’ :
Buvez de ce lait doux et fumant qu’elle apporte.
C’est un baume !… À présent, tâchez de sommeiller. »
Il dormit. Au réveil, cherchant à l’égayer :
« Eh bien, l’avais-je dit ? vos couleurs sont plus belles.
Vous sentez la vertu des fécondes mamelles.
Voulez-vous, au soleil, avec moi faire un tour ?
Çà, riez, mon vieux Rob ! Faut-il aller au bourg ?
Moi, je reviens toujours à cette rêverie :
Faut-il quérir le prêtre afin qu’il nous marie ?

— Oui, partez pour le bourg et marchez promptement.
Car il faut recevoir encore un sacrement,
Le dernier. Chaque instant m’enlève de ma force.
Mon âme veut enfin briser sa dure écorce.
Joie et peine aujourd’hui pour moi s’en vont finir.