Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/119

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Tous deux se regardaient : « Hélas ! pensait Rî-Wall,
Avec ce compagnon il doit m’arriver mal !
Et ce mal, juste ciel, vient sur moi par votre ordre !
Oui, je serai mordu, moi toujours prêt à mordre :

« Que j’échappe, et je prends la douceur des ramiers !
Sur les galants balcons, sur les nobles cimiers,
Je roucoule ! et mes chants, lais, virelais, ballades,
Plus que tes vers mielleux, ô Roz-Venn, seront fades. »

Même ici son humeur maligne le poussait.
Mais le loup lentement, lentement avançait ;
Rî-Wall sentait déjà son haleine de flamme :
Et point d’arme, grands dieux ! un bâton, une lame !…
 
Une arme qu’un nœud d’or suspendait à son cou,
Le barde l’entendit résonner tout à coup :
La harpe dont la voix peut adoucir les bétes,
Éteindre l’incendie et calmer les tempêtes !
 
« Toi qui dans son palais fis trembler plus d’un roi,
Ô harpe redoutable ! ô mère de l’effroi !
Ici, fais sans aigreur sonner ta triple corde :
Harpe, sois aujourd’hui mère de la concorde ! »
 
Et du son le plus clair d’un doigt léger tiré,
La harpe obéissante a doucement vibré,
Et toujours murmuraient les notes argentines
Comme au matin la brise entre des églantines ;