Le jour venant à luire, il dit au jardinier :
« Mon ami, pour un jour laisse là ton métier.
« Un souci me travaille ; à peine je sommeille,
Qu’un maudit rossignol dans le clos me réveille ;
« Dresse donc tes gluaux, d’engins couvre le sol :
Je te baille un sou d’or si j’ai le rossignol. »
L’oiseleur fit trop bien son métier, et le traître
Prit un chanteur nocturne et l’offrit à son maître ;
Et quand le vieux seigneur tint le pauvre captif,
Il rit d’un méchant rire, et, serrant le chétif,
Brusquement l’étouffa ; puis, d’une main jalouse,
L’ayant jeté saignant au sein de son épouse :
« Tenez, dame, voici votre cher oiselet !
Je l’ai pris. Mort ou vif, n’est-ce pas qu’il vous plaît »
Un jeune homme, apprenant bientôt cette aventure,
Disait, et de longs pleurs sillonnaient sa figure :
« Oh ! combien la jeunesse a de sombres ennuis !
Adieu, ma bien-aimée, adieu nos belles nuits !
« Mon regard n’ira plus, la nuit, chercher le vôtre :
Adieu nos doux baisers d’une fenêtre à l’autre ! »