Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/144

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(Ses yeux caves disaient ce qu’il avait souffert),
Puis conta son histoire au chef de la famille :
« Mon fils, elle n’est pas de vieux sang, cette fille !
— J’aimais, elle m’aima ; j’engageai mon honneur.
— Il suffit ; je vous fais votre maître et seigneur.
D’autres nous blâmeront : avant tout, sa promesse.
À mon banc je prendrai ma place à votre messe. »

III

Voici comment chacun voulut la voir passer,
Jusqu’au pied de l’autel ardent à se presser.
Le cœur plein de fierté, les yeux rayonnant d’aise.
Elle avait conservé sa coiffure nantaise.
Une ample catiole aux dentelles de prix :
Son amant, son époux, ainsi l’avait compris.
Avec le vieux seigneur venait la vieille mère.
La messe terminée, on vit, calme et sévère,
La noce s’avancer vers l’antique manoir :
Un splendide banquet devait la recevoir.
On s’assit. Les valets, sur le bras leur serviette,
Emplissaient chaque verre, emplissaient chaque assiette ;
Noblesse et bourgeoisie avaient fait leur accord.
Lorsqu’une lettre arrive, et le seigneur d’abord
Lentement la parcourt, puis sur la table il tombe :
« Ruiné ! Mon navire est pris, creusez ma tombe ! »
Ce fut un long moment de silence et d’effroi :
Contre des maux si grands, quels biens trouver en soi ?
Mais avec dignité se lève la marchande :
« Devant vous je requiers une faveur bien grande :
Contente de mon bien, et pour vous faire honneur,