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Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/155

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Qui s’élevait encore et solitaire et noir.
Des chevrons en sifflant volaient comme des flèches,
Les chaumes écroulés faisaient jaillir leurs mèches,
Une fumée épaisse enveloppait parfois
Les fourrages, les blés, les murailles, les toits,
Tout semblait apaisé ; puis soudain, plus hardie,
La fureur éclatait de l’immense incendie.
On aurait dit qu’un ange au glaive flamboyant.
Invisible au milieu du fléau tournoyant,
Ministre de colère, activait de sa lame
Le brasier et partout en épandait la flamme.
Était-ce châtiment, imprudence ou hasard ?
D’où venait le désastre accablant ce vieillard ?
 
Haletants, s’agitaient les hommes des deux fermes ;
Les autres à l’écart, les bras croisés et fermes,
Impassibles témoins, laissaient, silencieux,
L’élément destructeur tourbillonner aux cieux.
Mais le prêtre : « Ô mes fils, sur les fonts de baptême,
À vos communions, aux jours de noces même,
À chaque sacrement avec la piété
Si vous avez reçu l’esprit de charité,
Hommes, oublirez-vous votre pieuse enfance ?
Chrétiens, laisserez-vous des chrétiens sans défense ? »
Mais, tous, les bras croisés ils demeuraient toujours.
Ils avaient donc souffert et depuis de longs jours
Dans leurs biens, dans leur sang, souffert dans tout leur être,
Pour ainsi repousser les paroles d’un prêtre !
Dans sa haine chacun se tenait affermi
Et voyait de sang-froid périr son ennemi.
Ô vengeance muette ! Ô calme inexorable !
Lui-même, le vieillard, devant tous imployable,