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Les deux Marées



I



Lorsque au lever du jour s’avança la marée,
Par un soleil de mai, rose, claire, azurée,
Avec tous ses oiseaux, mauves et goélands,
La caressant de l’aile ou portés sur ses flancs.
Et ses molles rumeurs, ses brillantes écumes,
Les fantômes mouvants exhalés de ses brumes, —
Moi, couché sur la dune entre l’onde et le ciel,
De l’un aspirant l’air et de l’autre le sel,
Rêveur adolescent, dans cette mer montante
Je voyais le tableau de ma vie ascendante :
« Espoir de l’avenir, promesses du printemps,
Venez, inondez-moi ! bonheurs, je vous attends !
Mes bras vous sont ouverts, je sens s’ouvrir mon âme.
Ô mer, trempe mon être, — et rends-le pur, ô flamme !
Puis, le flux arrivé, lorsque enfin les îlots
Eurent caché leurs fronts noirâtres sous les flots,
Mon livre et mes habits jetés sur le rivage,
Je défiais les fils des pêcheurs à la nage ;
Et souples, et nerveux, le plaisir dans le cœur,
Nous voilà tous luttant d’audace et de vigueur.