Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

 
Comme moi vint en aide au petit malheureux
Et, dans un coin du bord, murmura : « C’est affreux !

Tel fut notre départ. Au terme du voyage,
D’où vient donc ce retour vers le sombre équipage,
Et qu’au roulis des flots en moi-même bercé,
J’achève à terre un chant sur la mer commencé ?
Oh ! ce chant, inscris-le sur tes feuillets d’ivoire,
Car c’est là, Poésie, un voyage à ta gloire,
Sirène dont la voix modère l’ouragan,
Déesse qui soumets les loups de l’Océan.
 
Chaque soir, bruit des vents pareils à des couleuvres,
Tumulte des marins courant dans les manoeuvres,
Féroces coups de mer ; puis, au jour renaissant,
Cette fièvre des flots par degrés s’apaisant ;
La voile est sans haleine et, sur une mer d’huile,
Comme un phoque s’endort le navire immobile.

Alors, quand sur le pont l’équipage étendu
Reposait, l’un fumant, l’autre en rêves perdu,
Quand la chaudière aussi, par le mousse allumée,
Sur nous joyeusement répandait sa fumée,
La jeune fille alors, les yeux vers l’horizon,
À ce monde inconnu jetait une chanson,
Le peuplait de châteaux, d’amoureux, de féeries,
Tant que nul ne troublait ses longues rêveries.
Parfois, vers un gros livre ouvert sur mes genoux
Je voyais lourdement se traîner tous ces loups :
« Lisez-nous, disaient-ils, quelque nouvelle histoire,
Celle d’hier remplit encor notre mémoire. »
Sauvage naturel, mais instinct vierge et prompt ;