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IV


Lettres qui furent adressées à Nola par le journalier Primel
et la dame d’un manoir.


Voilà donc séparés, et pour longtemps peut-être,
Ceux qui s’aimaient d’enfance au lieu qui les vit naître !
Mais entre eux va, revient un discret messager,
Et du moins leurs soupirs se peuvent échanger.

Oh ! la main de Primel, au travail alourdie,
Était lente à mener la plume et peu hardie ;
Si ferme à la charrue, au plus rude labeur,
Sur le papier luisant elle avait comme peur ;
Mais sous les mots tremblés, voyez, quelle tendresse !
« À la belle Nola de Corré. » — C’est l’adresse.

« Nola, nous habitions, tout jeunes, un manoir
Que des chênes couvraient, verts comme notre espoir ;
Arômes et chansons pleuvaient des branches hautes,
Aujourd’hui mon manoir s’élève près des côtes,
L’âcre sel de la mer me pénètre souvent,
Et le pleur des courlis arrive avec le vent :
Notre riant manoir plaisait à mon jeune âge,
Et celui-ci me plaît dans son cadre sauvage ;
Car, loin de vous, mon cœur nourri de sels amers
Aime à se lamenter avec l’oiseau des mers :
Heureux pourtant, heureux si, dans ces jours d’attente,