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V


Merveilleuse réunion de Primel et de Nola
à la fontaine de la ferme.


Sous de verts châtaigniers, honneur de son domaine,
La veuve est à filer au bord d’une fontaine :
Dans ce bois qui murmure au murmure des eaux,
Entre ses doigts légers tournent les blonds fuseaux,
L’herbe jette à l’entour ses marguerites blanches,
Et les oiseaux chanteurs sautillent sur les branches.
Mais que lui font les fleurs, les concerts des pourpris ?
Primel, son cher Primel a quitté le pays !
Dans un manoir lointain, du côté de la grève,
Il s’est mis en service ; et là, sans paix ni trêve,
Comme un serf à la glèbe, ouvrier diligent,
De ses habits de noce il amasse l’argent ;
Car s’il reçoit les biens de la femme qu’il aime,
Ses habits du grand jour, il les paîra lui-même.
Et Nola, pour priser cette noble fierté,
Par de si longs retards sent son cœur attristé.
Faible, elle gourmandait cependant sa faiblesse,
Quand, son fusil au bras, son lévrier en laisse,
Le jeune seigneur passe : « Ô vous, belle Nola ! »
Comme si le hasard seul l’avait conduit là.
Mais elle, son fuseau tournant toujours dans l’herbe :
« Ne connaissez-vous pas, sire, un ancien proverbe ? »