Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/41

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Disait-elle, et tremblant déjà de l’essayer,
Si le fond la reçoit et sans qu’elle dérive,
Il m’est resté fidèle et fidèle il arrive. »
Puis elle reprenait, tremblant encor plus fort
(Imprudents qui venons, pâles, tenter le sort !) :
« Mais si l’eau de la source en jaillissant l’entraîne,
Comme ce dard léger, c’est que son âme vaine
En des courants mauvais sera tombée… hélas !
Entraîné par une autre, il ne reviendra pas. »
 
L’épingle cependant des doigts fins de la veuve
Glissait ; et pour bien voir la redoutable épreuve,
De l’onde frissonnante elle approchait les yeux,
Lorsqu’un bruit, comme fait le pas d’un curieux,
Un léger frôlement, penchée ainsi, l’arrête,
N’osant plus regarder, ni relever la tête :
« Oh ! si le clerc rusé, si le hardi seigneur
L’ont surprise livrant le mot de son honneur ;
S’ils ont à la fontaine entendu ses paroles,
Demain jouet de tous ! Ô folle entre les folles ! »
Pourtant, par un effort subit… Ah ! sur le ciel,
Entre les arbrisseaux, qu’a-t-elle vu ? — Primel !
Oui, Primel arrivé de son lointain voyage,
Rapportant les habits gagnés par son courage !
Et qui la regardait avec des yeux en pleurs,
Et ne pouvait parler, et lui jetait des fleurs !
Primel libre, bientôt le chef de ce domaine !
Brillant comme le saint doré de la fontaine !