Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/112

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Des monts où Saint-Michel lève sa tête immense,
Et de Chatel-Audren où le breton commence,
Ils viennent. Tout est plein dans l’église, à l’entour.
D’autres, pour voir la mer, sont montés dans la tour.
Les cloches sont en branle ; et, perclus, hydropiques,
Lépreux vous rendent sourds du bruit de leurs cantiques.
Tous au bord du chemin chantent Saint-Jean-du-Doigt,
Saint-Jean-le-Précurseur, le patron de l’endroit ;
Comment ce doigt sacré, sauvé d’un incendie,
Bien longtemps fut l’honneur d’un bourg de Normandie ;
Comme un jeune Breton, clerc au pays normand,
Chaque jour sur l’autel l’honorait ; et comment,
Lorsque vers son hameau revint Fécolier sage,
Tous les clochers sonnaient d’eux-même à son passage,
Tant qu’on le crut sorcier ; par quel miracle enfin,
Rentré dans sa paroisse, il vit le doigt divin
Qui brillait à l’église, entouré de lumières :
Le peuple agenouillé récitait des prières,
Et des prodiges tels éclataient dans le bourg,
Qu’il n’était déjà plus d’aveugle ni de sourd.

Tout le jour du Pardon, c’est à qui vers la rampe
Se dresse pour toucher le saint doigt ; à qui trempe
Ses yeux dans la fontaine, ou, le long de son dos,
Sur ses bras fait couler les salutaires eaux :
La foule cependant vient, revient et se presse ;
L’église se remplit et se vide sans cesse.

Aujourd’hui le vallon était calme et désert,
Saint Jean seul sur l’autel, quand nos amis de Scaer
Passèrent sous le porche, et, tous trois à la file,
Entrèrent lentement dans l’église tranquille,