Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/142

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Mes enfants, votre main ! Mon drap sera la nappe
Où le prêtre… Ah ! Jésus ! ah ! comme elle me frappe ! »

« — Vite, cria Guenn-Du, vite les sacrements !
La Mort jette en son cœur les épouvantements ! »
Parents et serviteurs autour du lit en cercle
Se sont rangés ; le prêtre enlève le couvercle
De la boîte d’argent qui pendait à son cou,
Et sur le front d’Hoël, les flancs, chaque genou,
Verse selon le rit l’huile qui puritie ;
De sa boîte il retire aussi le Pain de vie,
Mystérieux mélange où la Chair et l’Esprit
Forment en s’unissant le froment qui nourrit.

Voilà dans ce hameau, jusqu’à la onzième heure,
Tout ce qui se passa. Triste, triste demeure !
 
Depuis bien des hivers, le femelle démon,
Qu’un Breton n’oserait appeler par son nom,
La Mort avait erré de village en village :
Elle attaquait la force, elle riait de l’âge ;
Au milieu d’une lutte elle étouffa Conan ;
Au Gôz-Ker, elle prit et la mère et l’enfant ;
Et tandis qu’il nageait, enlacé par un saule,
Le jeune Kcrnéiz disparut dans l’Izôle ;
Mais chez ceux de Coat-Lorh comme elle n’entrait pas :
« La Mort ne peut nous voir, disaient-ils, parlons bas. »
Non, non, point de maison, point de tête épargnée !
Aujourd’hui dans Coat-Lorh elle fait sa tournée !
Sa charrette est en route, et ses maigres chevaux
Galopent dans la lande et par monts et par vaux !