Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/144

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Avec un linge fin alors elle essuyait
Les lèvres du mourant, et, tremblante, essayait,
En ramenant sur lui ses draps, sa couverture,
D’apprêter à son corps une place moins dure.
Puis elle l’appelait ; mais, appels superflus !
Hoël ouvrait la bouche et ne répondait plus.
 
La chose en étant là, les deux bonnes veilleuses
À l’écart se font signe, et ces femmes pieuses,
En main leur chapelet, sur un ton languissant,
Se mettent à prier pour leur agonisant.
À genoux près du feu, leurs coiffes rabattues.
On les prendrait ainsi pour deux blanches statues.
L’orage sur le toit tombe toujours à flots,
Et des lits des enfants s’échappent des sanglots
Qui déchirent leur mère. Ensuite un grand silence.
Une veilleuse alors de sa place s’élance
Vers le lit du malade, et voyant ses deux bras
Sans relâche occupés à retirer les draps,
Près de la veuve en pleurs sous sa coiffure épaisse
Elle revient s’asseoir, et dit tout bas : « Il baisse. »
 
Vers minuit, quand les morts, froids et silencieux,
Tous rangés à la file, ensemble ouvrent leurs yeux,
Hoél recommença ses cris : c’était le râle,
Pareil à la vapeur dans le tube en spirale.
Qui montait, descendait, remontait dans son cou.
Mais quelqu’un manquait là pour frapper le grand coup.
 
Je l’entends ! je l’entends ! priez Dieu ! sa charrette,
Couverte d’un drap blanc et que mène un squelette,
Arrive de la lande : aux sifflements du vent