Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/150

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Il leur dit de goûter à son cidre nouveau,
Et se plaît à remplir de spectres son cerveau.
Certes, quand les bouvreuils chantent dans les broussailles,
Bien des pâtres aussi chantent dans la Cornouailles ;
Pour danser aux Pardons tous les pieds sont légers,
Et les bonds des lutteurs ébranlent les vergers.
Alors, grâce au soleil et grâce au jus des pommes,
La joie est sur la terre et dans le cœur des hommes ;
Mais, au premier frisson d’octobre dans les bois.
Les appels des bergers se taisent à la fois,
La lande rend des sons plaintifs ; avec la pluie
Descendent les vapeurs de la mélancolie ;
Les jours noirs sont venus : jeunes gens et vieillards
Passent silencieux à travers les brouillards ;
Les morts ouvrent leur tombe, et la Bretagne entière,
Sous son ciel nuageux, n’est plus qu’un cimetière.
 
Cependant, poursuivons !… Accompagnons demain
Ces parents dont les pleurs inondent le chemin :
Il faut voir le cercueil dans la terre descendre,
Et tirer du tombeau tout ce qu’il peut apprendre.
 
La tombe du fermier, prête à le recevoir,
Etait déjà creusée, et, devant ce trou noir,
Les prêtres, revêtus de leur surplis de neige,
Et leur livre à la main, attendaient le cortège.
Le cortège avançait ; mais un brouillard si lourd
Tombait sur les maisons et le chemin du bourg,
Qu’on aurait dit le mort bien loin sans la clochette
Et sans le pas des bœufs qui traînaient la charrette.
 
Ce fut un long trajet. Quand les processions
Se rendent vers Coal-Lorh pour les Rogations,