Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/161

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Et quand l’une eut parlé longuement, l’autre femme
En eut pour toute une heure à soulager son âme.
Pourtant la nuit tombait et l’approche du soir
Répandait dans l’église un froid humide et noir.
Les deux femmes enfin sortirent, et, le prêtre
Du confessionnal ayant clos la fenêtre,
Guenn-Du se releva ; puis, d’efforts en efforts,
Vers l’autel de la Vierge elle traîna son corps.
 
Mais au pied de l’autel, près de tirer sa bague,
Voici que son esprit se trouble ; un tableau vague
De ses jours d’autrefois passe devant ses yeux :
Les plus jeunes d’abord, hélas ! les plus joyeux ;
De toutes ses amours elle revoit l’histoire ;
L’habit qu’elle acheta pour sa noce à la foire ;
Elle entend résonner les cloches ; elle voit
L’autel où son époux mit la bague à son doigt ;
Ensuite les enfants, les travaux du ménage,
Sa maison devenant plus sombre d’âge en âge ;
Elle, enfin, vieillissant ; son mari déjà mort.
Et tous ces souvenirs la troublèrent si fort
Que, pour se soutenir, sur le bord de la rampe
Elle appuya ses mains. — Mais là, sous une lampe,
Aux dernières lueurs du soir, apercevant
L’épouse de Joseph avec son bel enfant.
Celle que les martyrs ont prise pour leur reine.
Son fils entre les bras, lui parut si sereine
Que la veuve d’Hoël voulut cacher ses pleurs
À la mère du Christ, la mère de douleurs.
Et bientôt dans son cœur plus forte et plus allègre,
La bague qui flottait autour de son doigt maigre,
Elle la retira : « Voici l’anneau d’Hoël,