Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/18

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poème entièrement historique serait en tous lieux impossible : non plus que les hauts faits de notre roi Conan, les exploits du roi Clovis ne seront désormais chantés.

Dans ces nouvelles conditions faites à l’art, heureux donc le chantre de mon pays ! Ici, à vrai dire, point d’aventures étranges ni de passions outrées, mais toujours la naïveté et la profondeur du sentiment. Le roman n’est nulle part dans la vie simple et franche du Breton ; mais la poésie, elle y est partout.

Quatre cantons principaux (ceux de Vannes, Tréguier, Léon et Cornouailles, ayant chacun et avec une infinie variété son dialecte, ses costumes et ses usages, sont les lieux ou se déploie cette vie à la fois stoïque, enthousiaste et religieuse. `

Petit enfant, longtemps en robe, chanter seul dans la lande en gardant les bestiaux ; vers douze ans, accourir par les chemins creux, d’une lieue et plus, au catéchisme ; bientôt fleurir en de fraîches amours au milieu des Pardons, des luttes et des veillées, — amours qui, après la grande épreuve du tirage au sort, se termineront à l’église ; — et, dès lors, tout au travail sérieux, élever dans les mêmes mœurs la jeune famille, puis ensevelir les grands parents : voilà les phases invariables, et les mêmes pour tous, de cette existence sévèrement réglée. Un pèlerinage lointain à Sainte-Anne d’Auray ou à Saint-Jean-du-Doigt, quelque foire célèbre comme celle de Kemper ou de la Martyre, seront les événements notables ;