Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/20

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où, pour soulager les mineurs, soupirent le cor d’Arthur et la voix de la duchesse Anne. Puis, après les gens de la côte, ceux de la montagne et des terres ; les joyeuses fileries, ou des luttes telles que l’antiquité n’en eut pas de plus vigoureuses ; l’agonie du fermier Hoël et le désespoir forcené de sa veuve ; enfin, le tumulte des foires, les combats des réfractaires, et, avec l’intervention des saints (car le merveilleux, ce rêve des poètes, s’offrait ici de lui-même), les fiançailles et les noces du clerc accomplies au chant des cornemuses et des bardes… Oui, tous les événements de cette épopée familière semblaient être autant d’événements qui m’étaient propres ; j’étais entré dans cette vie synthétique ; et, mêlant à ces jouissances réelles les jouissances de l’artiste, j’essayais sur les grèves, par les landes, sous les bois, dans les montagnes, de mouler sur tant de sites et de scènes diverses la forme ondoyante de mon poème, et de faire jaillir un vers sain, loyal, né du sol.

Ce poème, d’un genre franchement rustique, ne semble pas avoir d’antécédent parmi nous : ce serait là un titre, si ce qu’on voudra bien approuver dans cet ouvrage ne revenait au pays qui l’a fait naître. Jamais poète n’eut sous la main plus abondante moisson de poésie.

Cependant, cette moisson, commencée dans le volume de Marie, il fallait la recueillir avant qu’elle fût étouffée sous l’impitoyable niveau des idées modernes. À ceci j’ai mis tout mon zèle : dans l’avenir terne et glacé qui les menace, peut-être les miens sauront-ils s’en souvenir !