Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/206

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Avaient passé sur lui : c’était un air hagard,
Et sur son front ridé des cheveux de vieillard.

« Mais sa troisième nuit fut encor plus horrible :
La pierre entre ses bras lorsque l’Ombre terrible
Reparut, sanglotant, et disant tour à tour :
« Où la mettrai-je ? » il crut être à son dernier jour.
Mais, voulant achever sa pieuse entreprise :
« Remettez-la, mon père, où vos mains l’avaient prise ! »
Puis, à ce grand effort d’amour et de pitié,
Il tomba de son haut et de larmes noyé.
« Merci, merci, mon fils ! Si ton âme chrétienne
« Ne m’avait dit ces mots qui finissent ma peine,
« Hélas ! ton père mort en avait pour cent ans
« À traîner cette borne au séjour des vivants… »
Or les rentes du pré, depuis quatorze années,
Le dimanche suivant on me les a données :
C’était Ronan lui-même ; et ce pieux enfant
Me parla de finir ses jours dans un couvent. »

Durant tout ce récit du fermier, sa voix mâle
Frémissait, et le front des autres devint pâle ;
Puis, tirant d’une main leur chapeau, tous les trois
Firent de l’autre main un grand signe de croix.

La vieille alors passait : « Tu vois, se prit à dire
Le clerc, tu vois. Lilèz, qu’il ne faut point maudire.
Riche et libre à présent, tu pourras épouser
La vierge à qui ton cœur ne cesse de penser.
— Mais toi, mon cher Daûlaz ? — Bah ! repartit leur guide,
Sur ce que fait sa sœur l’autre sœur se décide.