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Le cortège arrivait au Meinec, Lieu-des-Pierres ;
Et d’huile et de senteurs inondant leurs parois,
Entre les onze rangs il passait onze fois.
Et les Bardes alors, la milice des Bardes,
De la harpe guerrière armés comme des gardes.
Accompagnaient le char, au bruit d’un triple accord,
Du Village-du-Chène à celui de la Mort.
Debout sur le dol-men, enfin l’Archi-Druide
Faisait briller sa hache, et le Castor perfide,
Le Castor-Noir du lac sur l’autel égorgé.
Couvrait de sang le sol qu’il avait submergé…
 
Voilà, gens de Carnac, ce qu’adoraient vos pères.
Le soleil a chassé ces lueurs mensongères.
Mais, ô temps destructeur ! voilà que Cornéli
Lui-même dans Carnac voit son culte en oubli. »

Du passé nous faisions ainsi les funérailles,
Et nos regrets sortaient amers de nos entrailles.
 
Dans l’église pourtant, à l’ombre d’un pilier,
Le jeune Cornouaillais ne cessait de prier :
« Hélas ! depuis vingt jours j’ai quitté mon village.
Au retour, donnez-moi, Seigneur, force et courage !
Vous, saints de ma paroisse, accompagnez mes pas :
Les saints de ce pays ne me connaissent pas ! »
 
Sur ce, le clerc trempa ses doigts dans l’eau bénite.
En lui-même il disait : « La nuit vient, sortons vite !
Ce soir, il faut coucher dans la ville d’Auray ;
Demain, au point du jour, leste je partirai, »

Or, au milieu du bourg errant comme un aveugle,