Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/68

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Et landes, bois, vallons où la douleur s’émousse ;
Enfin tout ce qui fait la vie amère et douce !

Or trois femmes de Scaer, le matin du Pardon,
D’une meule de cire à la sainte ont fait don,
Et puis dans sa fontaine elles plongent ensemble
Un enfant de quatre ans qui s’agite et qui tremble :
Ces trois femmes sont Guenn et ses filles ; l’enfant
Qui tremble entre leurs mains et si fort se défend,
Est le petit Nannic. — Depuis quelques semaines,
Comme s’il n’avait plus que de l’eau dans les veines,
L’enfant dépérissait ; maigre et le corps enflé,
Lui, plus rouge autrefois qu’un pavot dans le blé,
Il restait accroupi dans un des coins de l’âtre
Ou la fièvre minait son petit corps bleuâtre,
Refusant de manger, et pleurant quand ses sœurs
Lui venaient, près du feu, dire quelques douceurs.
Guenn-Du, voyant sécher ce fruit de sa vieillesse,
Disait : « Je l’aimai trop. Dieu punit ma faiblesse. »
Et lui, de jour en jour, s’affaiblissait, hélas !
Lorsque vint à passer la mère de Daûlaz.
Laissant au coin du bois sa charge de feuillage,
Volontiers, vers le soir, elle entrait au village ;
Les deux sœurs la fêtaient ; et son fils, au retour,
L’interrogeait longtemps sur Anna, son amour.
« Dieu ! quel vent a flétri cette jeune bouture,
Dit-elle, et de quel mal meurt votre créature ?
— Ah ! reprit Guenn, l’enfant a mangé des fruits verts.
Et, j’en ai peur, son corps est tout rempli de vers.
À voir les médecins son père Hoël s’apprête,
Mais la ville est bien loin, et le prix nous arrête.
— Les médecins, Guenn-Du ! le riche en a besoin ;