Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/99

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Après tous ces grands chocs, ce fut, pour un moment,
Sur les flots fatigués un brusque apaisement ;
Mais, craignant de nouveau l’assaut de la tourmente,
Lee marins se tenaient dans une sombre attente.
 
Le vent tourna. Soudain, plus vif qu’un goëland,
Le côtier franchissait le ras, lorsqu’en houlant
Une montagne d’eau l’entraîna dans la baie,
La Baie-des-Trépassés, blanche comme la craie.
Ce coup fut d’un instant. Surpris par le roulis.
Un marin disparut, criant : « Mon fils Louis ! »
Le navire, aussitôt qu’il eut touché les sables,
Sombra. « Seigneur Jésus, secourez-nous ! » — Des câbles
Furent lancés du bord ; passagers, matelots,
Comme fous un linceul roulèrent sous les flots.
 
Mais quand, les bras tendus, un malheureux aborde,
Sur la grève on entend rugir l’affreuse horde.
Les harpons des brigands, des sabres de soldats
Se choquent. Ces bords seuls ont vu de tels combats.
« Ô païens, je suis prêtre ! À grands coups de faucille
Lâches ! vous me tuez ! Vous tuez cette fille
Que je viens de sauver ! Infâmes, à genoux !
Ou moi, prêtre du Christ, je vous damnerai tous ! »
La Mort ! la Mort partout ! Ouvrant sa double serre
Elle était sur la mer, elle était sur la terre.