Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/176

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Au tournant d’une allée, à travers quelques branches,
Je vis sur le ciel clair flotter des coiffes blanches,
Et monter haletante, et le front tout en eau,
Une fille portant les modes d’Arzannô ;
Derrière elle un marin venait tenant un cierge,
Et du Fort-de-la-Garde ils allaient voir la Vierge.
Ah ! Lequel dut sentir un bonheur plus subit,
Moi, quand elle passa sous son étrange habit,
Elle, quand, sur la route écartant les broussailles,
Je lui criais bonjour en langue de Cornouailles ?
Le marin s’arrêta : « Suzic, entendez-vous ?
Un homme du pays a parlé près de nous ! »
Je descendis vers eux. Il était de ma ville ;
Son brick au premier vent repartait chargé d’huile ;
Sa femme le suivait sur mer, dans ses longs cours,
Avec son corset bleu tout bordé de velours,
Ses coiffes qu’il aimait ; telle qu’un jeune mousse,
La nuit, elle chantait à bord d’une voix douce ;
Et, l’écoutant chanter, lui se croyait encor
À l’ancre, dans les eaux profondes de l’Armor.
« Ces gens-ci, me dit-il, admirent son costume,
Mais c’est ainsi chez nous : tel bourg, telle coutume ;
Nos filles de la côte ont des vêtements noirs ;
Sur les coiffes, ailleurs, on place des miroirs. »
Durant ces mots, voyant ce front mâle et sévère,
Ces gestes de marin, je songeais à mon père.
Il reprit : « Nous avons des crêpes, du lait doux :
Venez nous voir à bord et causer avec nous. »

Ô Marseille ! voilà comme en ton port antique
Je vis, bien triste un jour, venir mon Armorique ;
Et lorsque cette femme apparut devant moi,