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Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/19

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ces paroles de remerciement aux hommes de cœur qui m’avaient suivi, et de suprême adieu au poète que nous pleurions.

« Messieurs,

« Cette cérémonie funéraire présente un caractère particulier de tristesse. Un vrai poète, cœur pur, âme enthousiaste, consacre depuis trente ans son inspiration au sol qui l’a vu naître. Dans un temps où je ne sais quelles déclamations hautaines ont repoussé la famille et la patrie comme une intention de l’égoïsme, en face de cette fraternité menteuse qui mènerait à la promiscuité du chaos, il s’assied à l’ombre du foyer, il s’enferme au fond de sa province, il veut ne chanter que la Bretagne, sa foi, ses mœurs, ses paysages, la cabane du pêcheur, le sillon de l’homme des champs, tous les spectacles de la lande et de la mer, toutes les vertus simples et fortes de cette grande race celtique, demeurée là intacte et vierge sous la protection de la croix ! Il trouve dans ces études populaires une riche moisson de poésie, un merveilleux tableau de la vie humaine, l’unité, la sérénité, l’harmonie, ce but suprême de l’art ; et, encourageant ses frères à défendre leur trésor, il s’écrie :

Oh ! nous sommes encor les hommes d’Armorique,
La race courageuse et pourtant pacifique,
Comme aux jours primitifs la race aux longs cheveux,
Que rien ne peut dompter quand elle a dit : Je veux !
Nous avons un cœur franc pour détester les traîtres !
Nous adorons Jésus, le Dieu de nos ancêtres !
Les chansons d’autrefois, toujours nous les chantons :
Oh ! nous ne sommes pas les derniers des Bretons !
Le vieux sang de tes fils coule encor dans nos veines,
O terre de granit recouverte de chênes !

« Ainsi chante ce noble poète ; ainsi, pendant trente ans, il compose l’élégie familière ou la rustique épopée de la Bretagne ; et le jour où il achève sa tâche, le jour où il s’éteint, épuisé bar ses travaux, par une sensibllité ardente, par une vie toute dévouée au culte de l’art, il meurt à deux cents lieues du pays qu’il a