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Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/27

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de regrets. Depuis les fraîches idylles de Marie jusqu’aux Histoires poétiques, les pensées du doux chantre, on le vit bien alors, avaient été recueilles par des esprits attentifs ; la semence avait germé dans un sol généreux.

Il semble qu’il n’y ait rien de nouveau à dire sur le poète que la France vient de perdre. Les maîtres de la critique, M. Sainte-Beuve à plusieurs reprises, au sujet de Marie d’abord et ensuite des Ternaires, M. Charles Magnin à propos des Bretons[1] , Gustave Planche à l’occasion de Primel et Nola et des Histoires poétiques, ont caractérisé le talent de Brizeux et marqué son rang dans la poésie du xixe siècle. Depuis qu’il nous a quittés, bien des voix ont salué son départ, bien des amis inconnus ont voulu inscrire leurs noms sur sa tombe ; et, dans cet accord unanime de la presse littéraire et des esprits fidèles à l’idéal, on a vu se dessiner peu à peu l’originale physionomie du poète qui l’inspirait. J’ose croire cependant que tout n’a pas été dit. Un artiste si fin, si scrupulcux, un écrivain qui joignait au sentiment exquis de la langue le souci constant de la pensée, garde encore bien des secrets, trop de secrets peut-être, car il prenait plaisir (et ce fut là son défaut dans les derniers temps de sa vie) à condenser sous des formes elliptiques les trésors de son inspiration. L’homme aussi veut être étudié de prés. Comment s’est développée chez lui cette sensibilité pénétrante ? Quelle a été la première éducation du poète ? Que doit-il a l’action de son pays, à ses souvenirs d’enfance et de jeunesse ? Par quelles transitions insensibles le barde des landes et des grèves est-il devenu un maitre consommé dans l’art des élégances italiennes ? D’où vient enfin, chez l’auteur de La Fleur d’or, ce mélange de la nature et de l’art, de la force et de la grâce, de la simplicité rustique et de la subtilité florentine ? Plus on relit les poèmes de Brizeux, plus le tissu serré de son style révèle de finesses cachées et de nuances harmonieuses. La vie du poète expliquera son œuvre. Des notes bien précieuses qu’il m’a confiées en mourant, ses lettres, ses ébauches de prose et de poésie,

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 février 1841 et du 1er août 1845.