Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sitôt le jeune abbé, qui achevait ses études, vient s’installer à Ker-Iann, et là se fait le précepteur du fils et des neveux de son généreux parrain. Mais les biens sont mis sous le séquestre ; toute la famille doit se retirer à la ville ; Le Gonidec est lui-même forcé de chercher une demeure plus sûre.

En 93 nous le trouvons, dans les rues de Brest, entouré de soldats et des hideux témoins de ces fêtes de sang, qui marche à l’échafaud. Il n’avait pas encore dix-huit ans. Arrivé au pied de la machine, il voyait briller le couteau, quand des amis (on n’a jamais su leurs noms) entrent tout armés sur la place, renversent les soldats, et d’un coup de main délivrent le prisonnier. Le Gonidec fuyait au hasard par les rues de Brest ; une petite porte est ouverte, il y entre : c’était la maison d’un terroriste. « Ah ! monsieur, crie une femme, quel bonheur que mon mari soit absent ! mais sortez, sortez vite, ou vous êtes perdu ! — Et perdu, madame, si je sors ! Pour un instant, de grâce, cachez moi ! » La pauvre femme tremblait à la fois de peur et de pitié. Enfin la nuit vint ; le proscrit put franchir les portes de la ville, d’où, gagnant à travers champs un petit port de Léon, il passa en peu de jours dans la Cornouaille insulaire.

Dans le calme de la vie scientifique, où nous recherchons M. Le Gonidec, plus d’une fois nous l’avons entendu raconter les détails de cet événement terrible. Au sortir de Ker-Iann, il lui fut difficile de rester paisible et ignoré dans sa nouvelle retraite. La Bretagne fermentait. Les paysans le pressaient de se mettre à leur tête ; mais de Brest on le surveillait ; une visite domiciliaire fit découvrir des armes placées par des