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NOTICE

C’était le moment où une littérature nouvelle venait de naître. Que de prestigieux horizons ouverts à l’esprit de la jeunesse dans cette année 1824 ! Déjà les Méditations de Lamartine avaient paru en 1820. Victor Hugo avait donné (juin 1822 et février 1821) les deux premiers volumes de ses Odes et Ballades ; et au mois de septembre de cette même année paraissait enfin le journal qui allait prendre la direction du mouvement et fonder une critique intelligente et libre. Les tentatives de la jeune école, les unes vraiment belles, les autres bizarres et puériles, offraient un spectacle incohérent : Le Globe voulut donner à la révolution poétique la philosophie de l’art, dont elle ne se doutait pas, Brizeux arrivait à Paris au moment même cù les premiers numéros du,/i> Globe agitaient le monde littéraire. Ce fut alors, il l’a dit souvent, qu’il entendit les appels de la Muse. Il fallait les vives excitations de Paris pour dégager et faire épanouir dans son intelligence tout ce qu’il apportait de la Bretagne. Sans parler des trésors de poésie qu’il avait ramassés au bord du Scorf et de l’Ellé, il avait fait d’excellentes études aux collèges de Vannes et d’Arras ; l’écolier de l’abbé Lenir était peut-être mieux préparé que personne à s’inspirer de la critique nouvelle sans rien perdre de son indépendance. Ce ne fut pas une inspiration artificielle qu’il reçut : la lecture du Globe lui révéla ce qu’il était. Cette élévation de vues unie à la justesse, tant d’audace et de mesure, une liberté si fervente, un spiritualisme si pur, toutes ces choses le ravirent. Il passa plusieurs années à Paris, fort peu assidu aux cours de l’École de droit, mais visitant les musées, étudiant dans les bibliothèques, goûtant les fines lectures d’Andrieux, s’exaltant aux leçons de M. Cousin, et bientôt initié, auprès de M. Alfred de Vigny, aux plus suaves délicatesses de l’art nouveau.

Il avait décidément renoncé à l’étude du droit pour courir les chances de la vie littéraire. Son coup d’essai fut une petite comédie en vers, intitulée Racine, et représentée au Théâtre-Français, le 27 septembre 1827. On connaît l’histoire de la troisième représentation des Plaideurs. M. de Valincour, ami de Racine et son successeur à l’Académie, la raconte agréablement dans sa lettre à l’abbé d’Olivet. Cette piquante anecdote est le sujet de la comé-