Aller au contenu

Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions légitimes que le plan a provoquées, ne renferme-t-elle pas des pages du plus grand style et de l’inspiration la plus large ? Le discours de Molière aux auteurs comiques de ce temps-ci, le tableau de la Révolution, de la mort de Louis XVI, des victoires de la République, la glorification des chambres de Raphaël, sont-ils d’un poète obstinément enfermé dans sa province ? Il avait combiné une meilleure distribution de ces tableaux ; tout le recueil de Primel et Nola devait s’y fondre ; des pièces non réunies encore en volume, d’autres tout à fait inédites ; Les Celtes, La Dame de la Grève, Les Dépositaires, y auraient trouvé place, et de même que La Fleur d’or a montré sous un jour nouveau les poésies des Ternaires, cette seconde édition des Histoires poétiques aurait révélé l’abondante inspiration de l’auteur dans la dernière période de sa vie. S’il n’a pas eu le temps d’accomplir lui-même son œuvre, il en a laissé le plan très net, très précis, et le rêve du scrupuleux artiste sera réalisé.

Les derniers vers que Brizeux ait imprimés sont intitulés L’Elégie de la Bretagne. C’est le cri suprême du barde. On dirait qu’il désespère de l’œuvre à laquelle il a consacré sa vie. Dans cette lutte pour la défense des vieilles mœurs, il se sent vaincu, et il pousse un gémissement à faire tressaillir les os des ancêtres. Ah ! le grand destructeur arrive, c’est la machine en feu qui roule sur la voie de fer :

Le dernier de nos jours penche vers son déclin :
Voici le dragon rouge annoncé par Merlin !
Il vient, il a franchi les marches de Bretagne,
Traversant le vallon, éventrant la montagne.
Passant fleuves, étangs, comme un simple ruisseau.
Plus rapide nageur que la couleuvre d’eau :
Il a ses sifflements ! Parfois le monstre aveugle
Est le taureau voilé dans l’arène et qui beugle :
Quand s’apaise la mer, écoutez longuement
Venir sur le vent d’est le hideux beuglement !

Bientôt ils descendront dans les places des villes,
Ceux qui sur les coteaux chantaient, gais chevriers,