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Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/82

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Alors elle se tut. Sentant mon cœur se fondre,
J’essuyais à l’écart mes pleurs pour lui répondre ;
Muets, nous poursuivions ainsi notre chemin,
Quand cette pauvre mère, en me serrant la main :
« Je t’afflige, mon fils, je t’afflige !… pardonne !
C’est qu’avec toi, vois-tu, l’avenir m’abandonne.
En toi j’ai plus qu’un fils ; oui, je retrouve en toi
Un frère, un autre époux, un cœur fait comme moi,
À qui l’on peut s’ouvrir, ouvrir toute son âme ;
Pensif, tu comprends bien les chagrins d’une femme :
Tous m’aiment tendrement, mais ta bouche et tes yeux,
Mon fils, au fond du cœur vont chercher les aveux.
Pour notre sort commun, demande à ton aïeule,
J’avais fait bien des plans, — mais il faut rester seule ;
Nous avions toutes deux bien rêvé, — mais tu pars.
Pour la dernière fois, le long de ces remparts,
L’un sur l’autre appuyés, nous causons, ô misère !
C’est bien, ne gronde pas… Chez ta bonne grand’mère
Rentrons. Tu sais son âge : en faisant tes adieux,
Embrasse-la longtemps… Ah ! Nous espérions mieux ! »