Aller au contenu

Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On t’aimait. À la nuit, quand par le bois d’Elô
Tu revenais au bourg, des touffes de bouleau
Entendais-tu sortir des plaintes étouffées ?
Ces plaintes, cher enfant, étaient celles des fées :
C’étaient leurs cris d’amour, leurs chants grêles, leurs vœux
Car plusieurs te suivaient en baisant tes cheveux,
Et quand l’une dans l’air déployait son écharpe
Tous les bardes chantaient inclinés sur la harpe.

« Cette nuit, le jeune homme est triste ; la cité
Le retient dans ses murs comme en captivité ;
Seul près de son foyer, voyant le bois qui fume,
Il pense au sombre Arvor tout entouré de brume,
Il entend la mer battre au pied de Log-Onâ,
Et la nue en pleurant passer sur Comanâ.
Jeune homme, dans ton cœur ainsi tu te désoles ;
Mais Paris, c’est le lieu des arts et des écoles,
Ici toute science a ses temples ouverts ;
Et l’Armorique, hélas ! n’a plus que ses bois verts.
Rejeton du passé, barde, notre espérance,
Reste encore et grandis dans ces villes de France !
L’Esprit de ton pays viendra te visiter.
Quand ton cœur est trop plein, laisse ton cœur chanter.

« Adieu ! L’ombre pâlit. Sur tes vitres mouillées
Comme le vent se plaint ! Bruyantes et gonflées,
Les sources vers la mer vont dégorger leurs eaux,
Et les rocs de Penn-Marc’h déchirent les vaisseaux :
Par tes vers, ô chrétien ! calme donc ces flots sombres,
Car le Christ a ravi leur force aux anciens Nombres. »