Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/95

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Je fus poète alors ! Sur mon âme embrasée
L’imagination secoua sa rosée,
Et je reçus d’en haut le don intérieur
D’exprimer par des chants ce que j’ai dans le cœur.

Il est dans nos cantons, ô ma chère Bretagne !
Plus d’un terrain fangeux, plus d’une âpre montagne :
Là, de tristes landiers comme nés au hasard,
Où l’on voit à midi se glisser le lézard ;
Puis un silence lourd, fatigant, monotone ;
Nul oiseau dont la voix vous charme et vous étonne,
Mais le grillon qui court de buisson en buisson,
Et toujours vous poursuit du bruit de sa chanson.
Dans nos cantons aussi, lointaines, isolées,
Il est de claires eaux et de fraîches vallées,
Et d’épaisses forêts, et des bosquets de buis,
Où le gibier craintif trouve de sûrs réduits.
Enfant, j’ai traversé plus d’un fleuve à la nage,
Ravi sa dure écorce à plus d’un houx sauvage,
Et sur les chênes verts, de rameaux en rameaux,
Visité dans leurs nids les petits des oiseaux.
En Armorique enfin, de Tréguier jusqu’à Vannes,
Il est dans nos cantons de jeunes paysannes,
Habitantes des bois ou bien du bord des mers,
Toutes belles ; leurs dents sont blanches, leurs yeux clairs ;
Et dans leurs vêtements variés et bizarres
Respirent je ne sais quelles grâces barbares ;
Et si, dans les ardeurs d’un beau mois de juillet,
Haletant, vous entrez et demandez du lait,
Et que, pour vous servir, quelques-unes d’entre elles
Viennent, comme toujours simples et naturelles,
S’accoudant sur la table et causant avec vous,