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PHILOSOPHIE ANCIENNE

venons de citer : « Ainsi l’homme capable de faire cela distingue comme il convient une seule Idée répandue dans une multitude d’autres qui existent chacune séparément et beaucoup d’autres différant les unes des autres, mais enveloppées dans une seule Idée qui en diffère, et encore une Idée commune à toutes les autres et gardant cependant son unité ; enfin d’autres entièrement distinctes les unes des autres : Οὐκοῦν ὅ γε τοῦτο δυνατὸς δρᾷν μίαν ἰδέαν διὰ πολλῶν, ἑνὸς ἑκάστου κειμένου χωρίς, πάντη διατεταμένην ἱκανῶς διαισθάνεται, παὶ πολλὰς ἕτερας ἀλλήλων ὑπὸ μιᾶς ἒξωτεν περιεχομένας καὶ μίαν αὖ δι’ ὅλων πολλῶν ἐν ἑνὶ ξυνημμένην, καὶ πολλὰς χωρὶς πάντη διωρισμένας. C’est là ce qui s’appelle savoir discerner parmi les genres ceux qui peuvent entrer en communauté les uns avec les autres et ceux qui ne le ne peuvent pas » 253, D[1]).

Montrer comment une même idée, sans cesser d’être elle-même, peut être présente dans une multitude d’autres, c’est la participation même, et c’est l’objet de la dialectique. Quand on a résolu cette question, on n’a plus besoin de savoir si les Idées se divisent entre les choses à la manière d’un voile qui couvre plusieurs hommes ou à la manière de la lumière solaire qui reste unique en éclairant toutes choses ; on n’a plus même à se poser la question de savoir si les choses sensibles sont unies aux Idées par un rapport de ressemblance ; l’objection du troisième homme perd toute sa portée. Les rapports entre les choses et les Idées sont sans doute les mêmes que ceux des Idées entre elles. Aristote aurait bien dû s’en souvenir quand il insiste si complaisamment sur l’objection du troisième homme.

La seconde difficulté du Parménide, celle qui est relative à l’existence d’Idées correspondant aux choses les plus misérables et les plus viles, est résolue en passant dans le texte du Sophiste où Platon explique la division des genres (227, B) : « Dans le but de connaître l’esprit de tous les arts, notre méthode cherche à voir ceux qui sont de la même famille ou d’une famille différente, et elle les tient tous dans une égale estime. Lorsqu’il y en a qui se ressemblent, elle ne juge pas

  1. Nous suivons, dans l’interprétation de ce passage difficile, l’opinion d’Apelt (p. 166, note 12), peu différente d’ailleurs de celle de Bonitz.