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Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/187

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LES « LOIS » DE PLATON ET LA THÉORIE DES IDÉES

ment de perspective dans notre interprétation du platonisme. Si M. Lutosalwski a vu juste, il y aura accompli bien plus qu’une réforme, une révolution ». Voici les termes mêmes dans lesquels M. Lutoslawski résume sa propre pensée, dans son principal ouvrage, The origin and growth of Plato’s Logic (London, Longmans, Green and C°, 1897, p. 525) : « He is the first idealist and has given rise to a long succession of idealistic philosophers from his own time to that of Hegel. But in his later stage of thought he anticipated that new course of philosophy which led Descartes two thousand years later to seek the origin of all knowledge in individual consciousness and Kant to seek in the categories a priori form of all appearances. » Le rapprochement avec Kant est indiqué encore à plusieurs reprises : p. 37, 191, 223, 340.

À vrai dire, M. G. Lyon a déjà opposé à cette interprétation, entre autres objections, un argument qui à lui seul est absolument décisif. C’est le silence d’Aristote sur la prétendue transformation du platonisme. Il ne s’agit pas, en effet, dans les travaux modernes, de la modification signalée par Aristote et qui consiste dans la substitution des Idées-Nombres aux Idées proprement dites. C’est à un point de vue tout différent, comme on a pu en juger par les citations précédentes, que se place la nouvelle critique. Mais nous voudrions ici, laissant de côté les textes d’Aristote, chercher si les textes mêmes de Platon autorisent l’interprétation de M. Lutoslawski. Il serait facile, croyons-nous, de retrouver la théorie des Idées, au sens transcendant, dans les dialogues mêmes où les nouveaux commentaires la croient absente, dans le Sophiste, dans le Politique. Si on a pu ne pas l’apercevoir dans le Timée, c’est, croyons-nous, par une simple inadvertance. Mais c’est dans le dernier dialogue écrit par Platon, dans les Lois elles-mêmes, que nous voudrions chercher s’il n’est pas possible d’en trouver quelque trace. Si on réussissait, si on prouvait que la théorie des Idées inspire encore, à quelque degré, la pensée de Platon, on aurait résolu la question dans un sens opposé à celui de M. Lutoslawski. Il est vrai que l’authenticité des Lois a été parfois contestée ; mais les objections élevées par Ed. Zeller ont été abandonnées par lui-même. La belle étude de Gomperz : Die Composition