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INTRODUCTION

là qu’accessoirement et par occasion, lorsque l’Académie des sciences morales et politiques eut mis au concours pour le prix Victor Cousin à décerner en 1884 le sujet suivant : le scepticisme dans l’antiquité grecque. Le mémoire par lequel Brochard répondit à l’appel de l’Académie obtint le prix après le plus élogieux rapport de Félix Ravaisson[1], et il devint le beau livre qui parut en 1887 sous le titre : Les Sceptiques grecs.

Je ne crois pas que l’on puisse exagérer la valeur de ce livre. Il représente, merveilleusement combinées, des qualités diverses et de tout premier ordre : qualités, ajouterais-je volontiers, qui, malgré tout ce qu’elles ont de personnel, gardent l’avantage de n’être pas absolument inimitables ; si bien que l’ouvrage, au lieu d’enfermer en lui toute sa valeur, est encore le plus précieux instrument de travail et la plus efficace leçon pour quiconque cherche à apprendre comment se fait l’histoire de la philosophie. L’étude des textes était naturellement le principe des très difficiles restitutions de pensées qu’entreprenait Brochard ; mais cette étude des textes, qui s’interdisait sévèrement d’en dépasser le sens, s’appliquait en revanche à en découvrir le sens tout entier ; elle était conduite le plus habilement du monde, avec toutes les ressources que peuvent fournir la traduction précise des termes, les analogies et les raisonnements par lesquels se resserre l’élasticité des témoignages, la perception de l’enchaînement des concepts et de la filiation des théories. Bien des interprétations s’offraient, plus ou moins consacrées, pour caractériser le scepticisme et l’attitude de tel ou tel sceptique : Brochard n’ignorait aucune de celles qui méritaient d’être connues ; mais il n’en acceptait aucune sans contrôle, il en rejetait plus d’une, et il savait proposer avec une fermeté extrême des interprétations nouvelles conçues avec une extrême prudence. Et par le plus juste effet de la force et de la sûreté de la

  1. Reproduit à la suite de la 2e édition de La Philosophie en France au XIXe siècle, 1885, p. 285-323.