classe des guerriers ou de celle des magistrats (République, III 405 C). Platon est toujours resté fidèle à cette théorie, étrangère à l’enseignement de Socrate, que la vertu suppose une première disposition ou un don qui ne vient ni de la nature ni de la pensée réfléchie, et qu’il attribue, en termes un peu vagues, au concours divin[1]. Quoi qu’il en soit, l’éducation est toujours nécessaire pour développer les premiers germes que les futurs guerriers apportent en naissant. Il faut ici encore rappeler l’analogie ou plutôt l’identité de la vertu dans l’individu et dans l’État. La justice n’existe dans l’État que si la loi, par une contrainte de tous les instants, maintient chaque citoyen à sa place et l’empêche de sortir de sa sphère. De même, dans l’individu, la justice n’est possible que si l’éducation, par la pression qu’elle exerce sur lui, maintient chacune des parties de son âme à la place qui lui convient. Il ne s’agit pas ici d’une ressemblance extérieure entre la justice dans l’État et la justice dans l’individu, mais d’une identité complète : c’est la même loi, ce sont les mêmes institutions politiques et sociales qui doivent maintenir l’une et l’autre.
C’est la loi, par l’éducation qu’elle règle, qui insinue dans l’âme de l’enfant l’habitude de l’ordre et de l’harmonie avant que la raison soit éveillée (République, III, 402, A). C’est elle encore, et non pas la raison, qui donne au futur guerrier des opinions vraies sur ce qui est à craindre ou à éviter, c’est-à-dire le courage, et c’est elle encore qui détermine les épreuves par lesquelles on s’assure que les jeunes gens sont solidement attachés à leurs opinions et à l’abri des prestiges et des enchantements qui peuvent seuls mettre en péril des opinions vraies (République, III, 413, B). Dans la fine analyse par où débute le quatrième livre (424, A), Platon montre l’influence réciproque de la loi sur l’éducation et de l’éducation sur la conservation des lois. L’enfant appartient à l’État beaucoup plus qu’à ses parents. De là l’importance attribuée par Platon à l’éducation. La morale, la politique, la psychologie et la science de l’éducation se pénètrent dans cette doctrine jusqu’à devenir inséparables. C’est ainsi
- ↑ θεία μοῖρα. — Voir sur ce sujet la longue note d’Ed. Zeller (Die Philos. der Griechen, II, 1, 5944).