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INTRODUCTION

un « désabusé », un « ascète grec » : ici apparaît très manifestement l’influence, plus discutable ailleurs, de la sagesse orientale sur la pensée grecque. C’est des Académiciens que Brochard fait dater le scepticisme spéculatif, et il expose comment Arcésilas est venu au doute par une tout autre voie que Pyrrhon, en développant ce qu’avait de dubitatif et de négatif la philosophie socratique et platonicienne. Mais, dans l’école académique, il s’attache avec prédilection à Carnéade ; il prend visiblement un très vif plaisir à le réhabiliter, à mettre en lumière la finesse de ses analyses psychologiques, la vigueur de ses discussions, la profondeur de ses vues ; il requiert qu’on lui rende la place qui lui avait été assignée par les anciens parmi les grands philosophes. Dans l’histoire de l’école sceptique proprement dite, il analyse avec la plus minutieuse exactitude les arguments d’Énésidème ; il étudie la question si délicate des rapports d’Énésidème avec l’héraclitéisme, et, après un examen critique des thèses en présence, il conclut à une évolution dans la pensée du grand sceptique. Enfin, dans l’alliance du pyrrhonisme avec la médecine empirique, telle qu’elle s’opère chez Ménodote et Sextus, il découvre avec l’ingéniosité la plus décisive les premières ébauches de la méthode expérimentale moderne. Ce ne sont là que les grandes lignes de son œuvre, telles qu’il les a lui-même fermement tracées. Elles relient un grand nombre d’études de détail, poussées avec une science et un soin extrêmes. L’ouvrage n’eut pas de peine à conquérir dans le monde des spécialistes, et bien au delà, tout le succès dont il était digne ; il attestait que la France possédait un historien de la pensée antique qui pouvait à son grand honneur supporter dans cet ordre d’études la comparaison avec les savants étrangers.

Vers le même temps, Brochard, entré dans l’enseignement supérieur, inaugurait une longue série de leçons qui, à l’École normale et à la Sorbonne, devaient, sous une autre forme, renouveler victorieusement pour lui l’épreuve de son talent