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LA LOGIQUE DES STOÏCIENS

ciens, fidèles à la tradition d’Antisthène, les idées générales, les concepts, les ἐννοήματα ne sont que des noms. Il n’existe en réalité que des individus : le général n’existe pas (Simplic., Cat., 26, ε), οὔτινα τὰ κοινὰ παρ’ αὐτοῖς λέγεται… ὁ γὰρ ἀνθρωπος οὔτις ἐστιν, οὐ γὰρ ἐστι τίς ὁ κοινός (cf. Diog., VII, 61). Le λεκτόν est incorporel (cf. Stein, Psychol. der Stoa, t. II, p. 290, sqq.). L’opposition entre le point de vue des stoïciens et celui des socratiques est bien marqué dans ce passage de Sextus (P., II, 219 : εἰ μὲν ἐννοήματα εἶναι τὰ γένη καὶ τὰ εἴδη λέγουσιν… εἰ δὲ ἰδίαν ὑπόστασιν αὔτοις ἀπολείπουσι…). Il est vrai que cette question des λεκτά a soulevé dans l’école stoïcienne d’interminables discussions (Sext., P., VIII, 262). Prantl signale (p. 421) la difficulté que présente l’interprétation des textes. Mais si nous comprenons bien les passages de Sextus, la discussion ne portait pas sur l’existence réelle, objective, comme nous disons aujourd’hui, de choses correspondantes aux λεκτά ; c’est un point sur lequel il semble impossible que des stoïciens se soient trouvés en désaccord ; ce qui est en question, c’est l’existence même de ces λεκτά (Sextus discute ce point en cherchant s’il existe des signes, M., VIII, 218, 336 : τὰ λεκτὰ εἰ ἔστι ζητεῖται. Faut-il dire qu’il y en a (ὕπαρξις) ? quelle en est la nature (261), et quelle est cette φύσις ἀσώματος ; (268) ? Ce que niaient les dissidents (Basilides nommé par Sextus, 258, n’est probablement pas le maître de Marc Aurèle, mais le stoïcien cité dans l’Index Hercul., C, 51 ; cf. Zeller, IV, p. 570). c’est qu’il y eût, même dans notre esprit, des λεκτά (οἱ ἀνῃρηκότες τὴν ὕπαρξιν τῶν λεκτῶν) : poussant le nominalisme à l’extrême, ils ne reconnaissaient, comme les épicuriens, que des sons, φωναί. La différence entre le nominalisme des stoïciens et celui d’Épicure (analogue à celle du nominalisme de Stuart Mill et du nominalisme de Hobbes) était justement que ces derniers n’admettaient que des φωναί (Sext., M., VIII, 13 : δύο μόνον ἀπολείποντες, σημαῖνον τε καὶ τυγχάνον … περὶ τῇ ωνῃ τὸ ἀληθὲς καὶ ψεῦδος ἀπολείπειν. Cf. P., II, 107 ; M., VIII, 336 ; Plut., Adv. Colot., LXXII), tandis que les stoïciens entre l’objet réel, τυγχάνον, et le son qui le désigne, σημαῖνον, tenaient compte de la signification du nom, laquelle est une chose, πρᾶγμα, et ne peut être comprise par les hommes qui ne parlent pas la même langue (Sext., M., VIII, 12 : σημαῖνον μὲν εἶναι τὴν φωνήν, οἶον τὴν