Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/367

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l’Éthique en 1676. Il ne saurait être douteux, d’ailleurs, pour aucun lecteur attentif que, au moment où il écrit le Traité, Spinoza ne soit en pleine possession de sa pensée. Il fait des allusions à la doctrine de l’Éthique, et, sur bien des points, la thèse qu’il soutient est en complet accord avec celle qui règne dans le dernier de ces ouvrages. D’autre part, on trouve dans l’Éthique, ainsi que nous le montrerons plus loin, divers passages qui se rattachent visiblement aux opinions exprimées dans le Traité. Il faut donc, si l’on veut exactement démêler la pensée du philosophe, se faire de la divinité une conception assez large et assez compréhensible pour convenir à la fois au Dieu de l’Éthique et à celui du Traité. C’est cette idée que nous voudrions essayer de dégager. Indépendamment de l’intérêt qu’elle présente par elle-même, une telle recherche nous donnera peut-être l’occasion de mettre en lumière un aspect du système de Spinoza, quelquefois méconnu, oublié ou laissé dans l’ombre. Il ne sera pas inutile, sans doute, de rappeler sommairement le point de vue si original et si curieux où se place Spinoza dans le Traité théologico-politique. Il faudra ensuite résumer la théorie de la divinité qui est formulée dons l’Éthique. Ce double travail aidera peut-être à caractériser d’une manière plus précise la doctrine de Spinoza prise dans son ensemble et à marquer plus exactement sa place dans l’histoire de la pensée philosophique.

I

Dans le Traité théologico-politique, Spinoza traite un sujet dont on peut dire qu’il a préoccupé à des degrés différents tous les philosophes modernes : les rapports de la raison et de la foi. La solution qu’il donne de ce problème est à la fois très nette et très hardie. La raison et la foi ont chacune son domaine séparé ; la raison, à l’aide de la lumière naturelle et des idées claires et distinctes, nous permet de comprendre la réalité, de connaître les vérités éternelles ; elle nous apprend que Dieu est un être absolument infini et parfait, en qui l’entendement et la volonté ne font qu’un et dont toutes les manières d’être se développent en vertu d’une nécessité absolue. La foi « consiste à savoir sur Dieu ce qu’on n’en