Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/381

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347] qu’on l’a vu ci-dessus, et Spinoza le répète à plusieurs reprises, il y a équivalence entre la doctrine qui déduit la vertu des vérités nécessaires et l’assertion que la même vertu est prescrite par un décret divin. C’est au fond la même chose présentée sous deux formes distinctes, l’une adéquate, l’autre inadéquate. Mais surtout il n’est pas contradictoire avec l’idée que Spinoza se fait de la divinité de supposer que cette croyance, malgré son inexactitude, a été enseignée par Dieu lui-même par l’intermédiaire des prophètes, de Moïse et de Jésus-Christ. Là est en effet l’originalité de la doctrine de Spinoza. Ce ne sont pas les hommes, qui, par impuissance, ont altéré ou transposé la vérité, c’est Dieu lui-même ; ou du moins il est possible que ce soit Dieu qui l’ait proportionnée et adaptée à la faiblesse et à l’impuissance de l’homme. S’il en est ainsi, il faut bien que ce Dieu même, tel que le conçoit la philosophie, ne soit pas uniquement la substance pensante et étendue que la raison connaît. Il faut qu’il y ait en lui des intentions, une volonté bienveillante et, comme dit Spinoza lui-même, également propice à tous les hommes. Il est capable de vouloir faire régner la justice et la charité. En d’autres termes, outre les attributs métaphysiques, il doit avoir des attributs moraux que notre raison ne peut découvrir, mais que l’expérience nous permet indirectement d’entrevoir. En dernière analyse, le Dieu de Spinoza est un Dieu personnel. Il reste maintenant à savoir comment tout cela s’accorde avec les textes de l’Éthique.

II

On ne doit pas s’attendre à trouver dans l’Éthique une confirmation directe des conclusions auxquelles conduit l’étude du Traité théologico-politique. En effet, si le Dieu de Spinoza a d’autres attributs que des attributs métaphysiques, ce n’est pas, on vient de le voir, par la seule raison, mais à l’aide de l’expérience et en vertu d’une certitude morale que nous pouvons en être persuadés. Or l’Éthique est le [348] livre