Page:Brochard - Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne.djvu/386

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ou bien en tant que nous les concevons avec une relation à un temps ou un lieu déterminés, ou bien en tant que nous les concevons comme contenues en Dieu et résultant de la nécessité de la nature divine ; celles que nous concevons de cette seconde façon comme vraies ou comme réelles, nous les concevons sous le caractère de l’éternité, et leurs idées enveloppent l’essence éternelle et infinie de Dieu, ainsi que nous l’avons montré dans la Prop. XIV, voyez aussi le scholie de cette proposition ». Les choses que nous connaissons sous forme d’éternité par la connaissance du troisième genre, c’est-à-dire par une intuition, sont toutes particulières. L’essence de l’âme est dans l’éternité l’idée de tel ou tel corps (Pr. XXII, V) ; elle est donc dans l’éternité consciente d’elle-même, et d’ailleurs Spinoza dit en propres termes que les hommes ont conscience de l’éternité de leur âme, mais qu’ils confondent cette éternité, avec la durée ; c’est ainsi qu’il a pu dire : « Nous sentons et nous éprouvons que nous sommes éternels ». Ainsi la conscience, toujours inséparable, aux yeux de Spinoza, de l’acte volontaire, appartient à Dieu de quelque manière qu’on le considère. Rien ne serait plus contraire à la lettre et à l’esprit du spinozisme que de concevoir la pensée ou l’entendement, sous prétexte qu’ils diffèrent des nôtres, comme une pensée inconsciente et vague qui se cherche elle-même et ne se possède pas encore pleinement. Au contraire tout, dans la doctrine de notre philosophe, est précis, déterminé, individuel.

Rien peut être n’a paru décisif pour établir le caractère impersonnel du Dieu de Spinoza que sa conception de la matière. Il dit en propres termes que Dieu est la cause immanente du monde et non pas la cause transitive. Ce serait à ses yeux un non-sens que d’admettre, avec tant de philosophes, l’existence d’une matière à laquelle Dieu donnerait sa forme. Rien n’existe en dehors de Dieu, il faut que la matière soit en lui et qu’il ne fasse qu’un avec le monde. [